Cyril Massarotto a choisi , à travers son dernier roman, de nous parler de la maladie D'Alzheimer.
Très judicieusement , il prend le parti de nous livrer de courts chapitres qui se répondent parfois dans l'espace ou dans le temps , où souvent la notion de
chronologie est volontairement abandonnée pour mettre l'accent sur le désordre calendaire que génère cette maladie . C'est un fils , qui va partager à travers ces lignes, des jours et années qui
se succèdent auprès de sa maman malade et cette même mère, Madeleine, qui, grâce à la plume de Cyril Massarotto, va elle aussi transmettre une forme de journal de bord de cette plongée dans un
autre monde;celui d'une mémoire incertaine et fuyante.
Malgré le choix du sujet, l'auteur ne se départit pas de son humour et donne le ton dès le début : « On nous a bien expliqué que la maladie
n'évoluait pas de la même manière chez tous les patients- un médecin non dénué d'une certaine forme d'humour m'avait un jour dit : En l'espèce, c'est un peu chacun son Alzheimer, si je
puis m'exprimer ainsi ! Je lui aurais bien claqué la gueule, au comique. »
Mais même si l'auteur conserve son humour inné, il faut avouer qu'on est vite chamboulé par ce que vivent les enfants et leur mère . Toutefois il ne faut pas
avoir peur de lire ce livre qui ,à aucun moment ne fait dans le pathos, mais où on ressent à chaque instant la part d'émotion de l'auteur qui parle avec beaucoup de finesse de cette famille et de
ce grand bouleversement qui leur tombe dessus. Un tel bouleversement qu' après l'information médicale, c'est le déni qui prend le relais : « C'est le déni qui vous fait considérer que,
dans la bouche de votre mère, un mot qui n'existe pas, comme Flutavision, est en fait un néologisme destiné à tenter maladroitement de vous amuser. C'est
l'aveuglement qui vous fait soupirer et remuer la tête, sourire en coin, quand vous trouvez un hachoir à viande dans ses toilettes. C'est l'amour et la peur d'avoir mal qui vous font fermer les
yeux. »
On suit avec beaucoup de tendresse ce fils si proche de sa mère depuis ses plus jeunes années et qui va la voir s'éloigner sans le savoir elle même . Un fils ,
écrivain, qui va mettre sa vie et sa carrière entre parenthèse . On peut ou non adhérer à sa position sur l'accompagnement d'une personne en fin de vie et atteint de cette maladie , mais pour lui
le choix sur ce point est simple . Il ne se pose pas de multiples questions , c'est là sa place, il veut être près de celle qui l'a aimé, et quelles que soient les implications dans sa propre vie
, qu'il met en pause « Je m'en souviens bien, de ces idées de livres, mais aujourd'hui, elles ne veulent plus rien dire. Ces histoires n'ont plus d'intérêt, à mes yeux ; je serais
incapable d'en faire quoi que ce soit... » . C'est un amour fort et certains passages sont très émouvants que je citerai pas ici , car trop hors contexte, mais la page 93 est terrible
tant on entre profondément dans les sentiments de Thomas.
Un beau livre sur l'amour d'un fils pour sa mère mais aussi l'histoire en miettes d'une femme qui sent que sa vie lui échappe jusqu'à oublier qu'elle oublie ,
oublier qu'elle respire, qu'elle vit .
J'ai été touchée par ce livre car Cyril Massarotto est l'écrivain idéal pour traiter ce sujet sans en faire un sujet sinistre mais au contraire il sait en tirer
le meilleur, de la réalité mais aussi une part de recul , de la tendresse, de la poésie et de l'humour parfois ...et juste toujours son angle de vue, celui qui lui est propre à travers ses
livres, deux personnes qui confrontent leur vision d'une même histoire qui avance implacablement .
Je remercie toute l'équipe de Livraddict et les éditions Xo pour ce partenariat .